20 avril 2024
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Interview – Malka Family, votre shot de funk pour faire la teuf

malka family

Aujourd’hui nous partons à la rencontre d’un groupe qui a sculpté la culture funk à la française ! Mêlant décalage, talent, et passion, ils arrivent sur scène, comme sur leurs albums, à nous transmettre une joie de vivre encore plus contagieuse que le Covid. Je parle évidemment de Malka Family ! Ils nous partagent ici avec sincérité leur histoire : une histoire d’amitié, de générosité, animée par l’envie inébranlable de faire la fête !  

 

Certains membres de Malka Family sont à mes côtés : 

[Joseph Mannix] : guitariste et réalisateur des albums de Malka Family,

Joseph Guigui
Crédit : Margaux Rodrigues

 

[Woody Braun] : ‘Multi tâches’ et au saxophone

Woody Braun
Crédit : Margaux Rodrigues

 

[Gilda Peter] : Chanteuse, choriste et auteure,

Gilda Peter
Crédit : Margaux Rodrigues

 

[Jay Murphy]: Claviériste, chanteur et compositeur, 

Jay Murphy
Crédit : Margaux Rodrigues

 

[Dany’O] : à la basse et au chant / Choeurs, 

Dany'O
Crédit : Margaux Rodrigues

 

sont tout sourire et prêts à répondre à mes questions : 

 

Racontez-moi l’histoire de Malka Family, comment le groupe s’est-il formé ?  

[JOSEPH] On est tous une bande de potes fan de funk depuis qu’on a 16 ans. À l’époque, Paris n’était pas vraiment funky. Ce que les gens appréciaient le plus, c’était le blues, le rock, le punk, la new wave.

On a souhaité créer un univers nous rassemblant. Alors on a commencé par organiser des fêtes, le reste du temps on ‘jammait’ dans des locaux de répétition. Petit à petit, le groupe s’est formé. Dany était un copain de lycée, Woody faisait partie de notre bande de potes du quartier. Et à force d’écouter, d’acheter des disques et de tomber un peu plus dans le funk comme dans la drogue, tout s’est fait naturellement. Nous nous sommes liés, et surtout on rigolait beaucoup tous ensemble. 

On s’est aussi réunis autour de notre passion commune pour le P-funk de George Clinton. À l’époque c’était des disques qu’on ne trouvait nul part en France. Et quand un ami m’a fait découvrir ces vinyles, je me suis dit que c’était vraiment bizarre. Il chantait d’une manière très spéciale, ça ne ressemblait à rien. C’est vraiment très étrange au début, mais le jour où tu es pris par cette musique (un jour où tu as pris un acide de trop, ou un joint de trop) elle prend vraiment possession de toi et tu ne peux plus rien écouter d’autre. 

 

 

[WOODY] Et pour la petite histoire, très peu de temps après que le groupe se soit formé, on a eu une première date de concert, et deux mois avant cette première date, Clinton est venu à Paris. Aucun membre du groupe ne l’avait encore vu, alors on y est tous allés deux soirs de suite. 

 

[JOSEPH] On l’avait jamais vu car avant son regain de popularité avec l’album qu’il a enregistré chez Prince, The Cinderella Theory, il ne tournait plus à l’international. C’est seulement à ce moment-là qu’on a enfin pu voir en live, le P-Funk qu’on écoutait depuis des années. 

 

Les fêtes que vous organisiez, c’était Chez Roger Boite Funk ?

[JOSEPH] Oui, Chez Roger Boite Funk c’était de grosses soirées organisées au Globo. C’est dans ce cadre là que nous avons rencontré Dee Nasty, le DJ Hip Hop. A l’époque, il mixait dans des fêtes sur des terrains vagues. Nous on avait une vision du hip hop très “H.I.P. H.O.P.” (l’émission télé), avec des gens qui scratchaient. Or, on ne voulait pas vraiment ça, on cherchait surtout un mec qui jouait de bons disques de funk. 

On l’a rencontré à son domicile, il y avait des disques vraiment partout. On est restés là-bas jusqu’à 5h du matin, le mec enchaînait les disques de Funk les plus incroyables, et les plus rares. A l’époque, trouver un disque de Funk c’était une vraie mission. 

Ça a été une évidence, il fallait qu’on fasse une soirée avec ce mec ! Et donc, commence Chez Roger Boite Funk, les soirées avec Dee Nasty, qui, lui, avait la culture funk et hip hop. Il a été la courroie de transmission entre ces deux univers. 

 

[GILDA] Oui, d’ailleurs je peux en témoigner, à l’époque je faisais un petit fanzine sur le hip-hop, c’était la nouvelle musique en vogue, j’avais même eu mon petit article dans le magazine ‘Actuel’. Je suis arrivée dans ces soirées Chez Roger Boite Funk parce que c’était LA soirée Hip Hop, je savais même pas que c’était particulièrement funk. C’était THE place to be.

 

 

Puis à la fin des années 1990, le groupe se sépare pour se retrouver en 2015, pourquoi cette envie de renouer ? 

[JOSEPH] Nous avons décidé de reformer le groupe car on a constaté qu’il y avait, à nouveau, de plus en plus de place pour les groupes avec de vrais musiciens. L’époque où les scènes n’accueillaient pas plus de deux ou trois artistes était finie. Même les Daft Punk organisaient des concerts avec de vrais musiciens.

Grâce à cette ouverture, une nouvelle vague s’est créée. Et pour nous, il était impensable de laisser passer cette vague sans les Malka Family. Donc on a rechaussé les crampons, et c’était reparti. 

 

Vous avez acquis le statut de vraies bêtes de scène mais vous écrivez également des albums enregistrés en studio. Vous préférez l’euphorie de la scène ou le calme des studios ? 

[WOODY] Sur scène, c’est là que tout se révèle. On peut passer des années à écrire des morceaux, quand tu finis par les jouer en live, le public répond à ce que tu as fait pendant des années. Ça nous permet également de nous retrouver. On n’a pas créé le groupe pour passer à la télé ou vendre des millions de disques. Notre motivation première est de faire des spectacles où on peut transmettre le sens de la teuf. On voulait perpétuer, sur scène, l’ambiance de Chez Roger Boite Funk. 

Parfois les gens viennent, ne connaissent pas le groupe, et se font convertir parce qu’il y a une vraie ambiance. On est 13/14 sur scène, il y a un ‘truc de teuf’ qui se passe. À l’époque, aucun groupe ne jouait de la funk de manière aussi libérée. 

 

[JOSEPH] Oui, on était vraiment à part. Même FFF était finalement beaucoup plus rock. Quand on a fait le premier album Malka On The Beach, on était tellement un OVNI dans le paysage musical français de l’époque qu’on a tout de suite eu un succès dans la presse. On a eu deux pages dans Rock and Folk, deux pages dans Best, quatre pages dans Libération… C’était fou.

 

Vous avez déjà joué avec FFF, Juan Rozoff, et d’autres artistes de la scène Funk française, quelle vision de cette scène Funk avez vous ? 

[JOSEPH] Ce qui est cool c’est qu’on a tous notre style. 

 

[WOODY] Moi la première fois que j’ai vu en concert un groupe de funk français, c’était FFF. Je les ai vu au new morning, j’étais hyper impressionné. Et en même temps, ça ne ressemblait pas du tout à ce que j’écoutais. 

Quand j’ai commencé à jouer avec Malka, je me suis dit que c’était quand même beaucoup plus proche de ce que j’avais l’habitude d’écouter. 

Quant à Juan, la première fois que je l’ai vu en concert, je me suis dit que c’était cool, mais quand même compliqué. J’aimais pas du tout Prince, pour moi c’était de la pop. Ce que j’aimais c’était le funk hard core. Et vu que Prince était l’influence première de Juan, tous les fans de Prince le trouvaient incroyable, mais j’y étais moins sensible. 

Puis il n’y avait pas vraiment d’autres groupes emblématiques, on était les trois représentants de cette scène et on avait des influences vraiment très différentes. 

 

Est ce qu’il pouvait y avoir de la rivalité entre vous ? 

[JOSEPH] Non pas du tout, on a partagé plein de scènes jusqu’au Canada des fois avec FFF, Juan Rozoff et ça se terminait souvent en jams et en grosses déconnades.

 

[DANY] Oui c’est vrai, je me souviens qu’à l’époque certains essayaient de faire naître une rivalité, mais ça n’a pas du tout fonctionné. C’est vraiment des amis, et même plus que ça, c’est comme une famille. 

 

 

Vous pouvez me raconter un souvenir de scène particulièrement marquant ? 

 

[JOSEPH] Moi j’ai le souvenir qu’à une époque on était très hippy, parfois on dormait à côté du bus la nuit. On n’avait pas d’argent pour se payer une chambre d’hôtel entre deux dates. Et un soir, on a fait un concert dans une carrière de craie à côté de Saumur. C’était un truc très psychédélique. Sauf qu’on s’est rendu compte que le batteur n’avait pas ses baguettes. On a dû aller dans la forêt, prendre des branches d’arbre et les tailler. Il a fait tout le concert avec ces branches, le pauvre a fini avec les mains en sang. 

 

[WOODY] Pour moi le plus marquant c’est quand on a joué en prison. On a été invité à Fleury Mérogis, on y a joué pour les détenus. À la fin du concert, on a joué “tous des oufs”, sauf qu’il faut savoir qu’en prison quand tu deviens ouf c’est pas du tout pareil que notre définition d’un ouf. Ça les avait bien chauffés ! Puis on a lancé des T-Shirts dans la foule, ce qui a créé un début d’émeute. Les surveillants de prison ont dit qu’on était grillés, qu’on ne jouerait plus jamais dans le milieu carcéral… Mais bon c’était hyper intense. Quand on est partis dans nos bus, il y avait les mecs aux barreaux qui agitaient leurs T-shirt des Malkas “tous des oufs”. C’est aussi très touchant de voir que tu peux être le seul moment de liberté et de kiffe. Ça fait vraiment partie de notre ADN. 

 

 

[DANY] Mais des moments vraiment forts c’est vrai qu’il y en a eu vraiment pas mal. On avait fait la tournée des centres sociaux autogérés en Italie*. C’était vraiment super intéressant. C’était pratiquement des principautés au sein des villes. 

[*Ces lieux sont définis par deux principes généraux qui sont l’occupation de lieux désaffectés (au départ illégalement, puis souvent négociée avec les municipalités), ainsi que l’autogestion avec des décisions sur la vie de la collectivité prises lors d’assemblées générales souvent hebdomadaires.]

J’ai également été très marqué par notre passage en Namibie. C’était un moment très fort.  Nous étions allés jouer là-bas pour le 5ème anniversaire de l’indépendance du pays. On avait fait un grand concert puis le dernier soir l’organisateur nous avait fait jouer dans un petit club. Et dans ce petit club, il y avait ce qu’on appelle des Héréros. Le régisseur nous l’a souligné car d’habitude elles ne se mélangent pas à la population, et là elles sont venues et elles ont dansé à notre concert. Et il en était vraiment retourné… En fait, les Héréros sont le premier peuple sur lequel Göring a pratiqué des expériences lorsque les allemands étaient en Namibie. Ils ont pratiqué, sur ce peuple,  tous les sévices qu’on connaît et qui ont été, par la suite, infligés, aussi aux juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Et depuis cette époque, les personnes de cette tribu ne se mélangeaient plus du tout au reste de la population. Et en connaissant cette histoire, savoir que ces deux personnes sont venues pour nous voir et ont dansé à notre concert, j’ai trouvé que c’était un symbole vraiment très fort. 

 

Au fil du temps, le groupe a été amené à évoluer. Comment s’est passée l’intégration des petits nouveaux dans le groupe ? 

[JAY] Oui moi j’étais la dernière recrue avant la séparation du groupe. Je suis arrivé en 1997, sur la dernière tournée après l’album Fotoukonkass. Je venais d’un groupe de trolls, les Malkas, eux, étaient signés chez BMG, ils avaient un album qui déchirait, super bien produit. Ils avaient aussi un tour bus violet de Bootsy Collins, et même des mecs qui portaient le matos. J’étais aux anges. Je suis rentré dans le groupe car j’ai eu la chance d’être repéré dans une soirée où il y avait Dee Nasty qui mixait. Joseph et Isaac le tromboniste étaient là. Je jouais avec mon groupe à cette soirée, et je leur ai tapé dans l’œil parce qu’à l’époque j’avais un clavier portable, et je jouais avec ma tête. 

J’ai intégré le groupe, petit à petit j’ai pris mes marques. Jusqu’au dernier concert à Montréal aux Francofolies, avec FFF. Je me souviens très bien, à la fin du concert, tout le monde s’est embrassé, on me disait “Ca y est Jay, tu fais partie du groupe” ! Je suis rentré à Paris et le groupe a splitté… Mais on s’est retrouvé 17 ans plus tard et c’était un vrai bonheur. 

Puis à la reformation du groupe on a accueilli aussi Romain le nouveau batteur, que j’avais recommandé car on avait déjà joué plusieurs fois ensemble. Et il y a Sev K qui est arrivé au chant également. 

 

Vous allez sortir un nouvel album, est ce que vous pouvez m’en parler un peu ? 

 

Malka family nouvel album superlune

 

[JOSEPH] Tout à fait, on sort un nouvel album qui s’appelle Superlune, qui a donc été créé une nuit… de superlune ! Et pour contextualiser un peu la création de cet album : pendant le confinement, le hard du printemps 2020, on était tous enfermés chez nous. Et des musiciens enfermés chez eux, qui ne peuvent plus sortir, vont forcément créer. J’ai donc commencé par appeler Jay et Gilles, j’ai sondé deux trois autres membres et je leur ai proposé de commencer à écrire des choses. Finalement la machine s’est très vite emballée. C’était un moment intense et particulier, tout le monde travaillait de chez lui, on s’envoyait des bandes, des morceaux d’idées et chacun ajoutait ses parties et faisait tourner. L’écriture s’est faite comme ça, à distance. Au final ça a donné un album beaucoup plus abouti.

Puis quand les confinements étaient levés, on se retrouvait au studio Sparkle pour enregistrer tout ça. 

 

[DANY] Oui et on s’est aussi beaucoup découvert, lorsqu’on est chacun chez soi, il n’y a plus de contingences. On était tous libres de faire ce qu’on voulait, et ça a créé une liberté créative vraiment intéressante. 

 

Malka family en studio
Crédit : Margaux Rodrigues

 

Quel est votre sentiment face à la sortie de l’album ?

[WOODY] Déjà l’album sort la veille de notre concert à l’Elysée Montmartre le 11 décembre à 19H30. Donc finalement les gens vont découvrir l’album à la fois en version studio mais aussi joué sur scène. 

 

[JOSEPH] Étant donnée que c’est un disque plus introspectif, personnel (pour chacun des compositeurs qui l’a écrit), je suis davantage dans l’attente. On va plus loin dans la proposition et je suis curieux de savoir comment il va être perçu. Et je dois avouer que pour le moment je n’en ai vraiment aucune idée, mais c’est aussi ça qui est excitant !

 

Et s’il y avait une question que j’aurais dû poser ? : [JAY] Pour combien de temps on va encore faire ça ? 

[FUNKIDOLE] Alors ? 

 

[JAY] Aussi longtemps que possible !

 

 

Et c’est tout le bien qu’on leur, et qu’on nous souhaite ! 

Un grand merci à tous les membres de Malka Family, les dealeurs de bonnes vibrations ! Et tout particulièrement à Joseph, Woody, Dany, Jay, et Gilda pour ce joli moment de partage. 

 

Vive la teuf !

 

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2 comments

Jay Mupgy 14 décembre 2021 at 15:51

Merci Funkidole !!! 🙏😊

Reply
Funkidole 29 décembre 2021 at 15:14

Merci à toi <3

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